22

 

Dès mon arrivée dans cette soirée, j’ai su que j’avais eu tort de venir. Mais Gavin Rawnshaw m’a tout de suite repéré, et j’ai compris que j’étais pris au piège.

En fait, si j’étais là, c’était exclusivement pour Rawnshaw. Ce jeune type très doué et plein d’ambition exerçait le métier de conseiller en image publique et travaillait pour moi depuis environ dix-huit mois. Il était en pleine ascension. Je le destinais à prendre les rênes de notre service Télévision par câble, mais pour des raisons de fonctionnement interne, cela ne se produirait pas avant quelques mois. Je craignais de me le faire souffler par les chasseurs de tête de mes concurrents. (Par la suite, Rawnshaw s’est installé à Strasbourg, où il a pris la tête, au nom du Parlement européen, d’un comité d’éthique supervisant les stratégies de crise et la limitation des dommages.)

Il s’est révélé qu’à part deux ou trois employés de la société je ne connaissais personne. Les amis de Rawnshaw semblaient jeunes et fortunés ; ils parlaient fort et conduisaient des voitures coûteuses.

Les hommes étaient de jeunes rustres pleins de suffisance ; quant aux femmes, elles avaient une voix criarde, elles étaient trop habillées et se jalousaient l’une l’autre.

La maison de Rawnshaw (ou plutôt, comme il s’est avéré plus tard, celle de ses parents) était un manoir victorien bâti au milieu de ses terres à la lisière d’une ancienne ville minière dans la région du Cheshire, blottie au pied de la chaîne Pennine. La première partie de la fête s’était tenue sous une tente dressée dans le jardin, mais avec la fraîcheur du soir, la plupart des invités s’étaient peu à peu réfugiés à l’intérieur. C’était l’occasion rêvée de m’éclipser, et pourtant je l’ai manquée ; je me suis retrouvé témoin passif d’une tonitruante prise de bec entre deux inconnus ; il était question d’une quelconque transaction. Je me sentais trop en vue, mal à l’aise, différent des autres, ne serait-ce que par l’âge. Comme tout le monde, je buvais sans interruption, mais je gardais les idées claires et la tête froide. Je restais en dehors.

J’ai enfin pu échapper à la discussion d’affaires, et j’en ai profité pour essayer de me sauver. Mais Rawnshaw m’a aperçu dans le hall d’entrée et ramené auprès des autres. Je me suis resservi à boire et je suis parti me promener de pièce en pièce, à demi décidé à me trouver une femme. J’en ai remarqué une qui me semblait possible.

Contrairement aux autres, elle n’avait l’air liée à aucun homme en particulier ; elle allait de petit groupe en petit groupe et bavardait à tue-tête en interceptant beaucoup de regards et en serrant beaucoup de mains. Elle était jolie, avec de longs cheveux noirs, et paraissait disponible, insouciante et sexy. Elle était également ivre. Elle portait une robe en tissu très fin, et chaque fois qu’elle passait devant une lampe, j’entrevoyais le galbe de ses seins.

Elle a bien vu que je la regardais avec insistance, mais elle a fait semblant de ne rien remarquer.

Juste au moment où je me décidais à lui parler, un des amis de Rawnshaw m’a agrafé. L’homme était conseiller en image et gestuelle, spécialisé dans les parlementaires, et avait travaillé pour nous à l’occasion d’une récente campagne électorale à l’échelon national. En outre, il savait qui j’étais, et avait la ferme intention de me le faire comprendre. Il avait un vieux contentieux à régler et s’est mis devant moi à divaguer à n’en plus finir. J’ai vu la jeune femme quitter la pièce. J’ai fait de mon mieux pour me dépêtrer du type, mais il m’a acculé dans un coin ; manifestement, il cherchait la bagarre. Quand il a commencé à m’enfoncer son index dans les côtes, je me suis fâché ; j’ai écarté sa main et repoussé l’homme loin de moi. Il a voulu me porter un violent coup de poing et m’a manqué, mais ça a tout de suite été l’empoignade. On n’a pas tardé à nous séparer, tous les deux écarlates, haletants, la bouche pleine d’insultes et la veste à mi-bras.

J’ai planté là les autres et je suis allé faire un tour dans le hall afin de me calmer. J’étais trop saoul pour prendre le volant, trop amer pour rejoindre la fête.

J’ai levé les yeux vers le haut du grand escalier et remarqué que quelques lumières brillaient dans les chambres. Aspirant à trouver un endroit où rester tranquillement assis un moment et dessoûler à mon propre rythme, je suis monté. J’ai furtivement ouvert une ou deux portes sur le premier palier, en regardant autour de moi. Dans le noir, je trébuchais contre des meubles ; mais je n’ai pas allumé de lampe pour autant.

À l’étage supérieur, j’ai suivi un couloir étroit menant à un deuxième palier, où je suis tombé sur un petit groupe d’invités, vautrés par terre au milieu des verres et des bouteilles. Deux hommes se sont levés en titubant, l’air belliqueux ; toute leur attitude respirait l’ivresse. J’ai battu en retraite dans le couloir. Une seule porte s’y trouvait ; je l’ai donc ouverte, et je suis entré en la refermant derrière moi.

Je me suis retrouvé dans une chambre où tous les bruits étaient étouffés : elle devait avoir de lourds rideaux, d’épais tapis. Il y faisait très chaud, et une forte odeur flottait dans l’air. Quelque part dans le noir s’éleva une voix de femme : « C’est toi, Gavin ? »

Elle avait l’air extrêmement saoule, au bord de la crise d’hystérie.

« Non, ai-je fait sans me présenter. Je ne savais pas qu’il y avait quelqu’un ici.

— Ne parlez pas ! »

Mal à l’aise, je me suis figé devant la porte, sans savoir sur quel pied danser. La chambre était plongée dans l’obscurité la plus totale.

« À boire ! a dit la femme. Vous avez de quoi boire ?

— Seulement ceci », ai-je dit en tendant inutilement mon verre devant moi dans le noir.

Elle est venue vers moi et m’a heurté de plein fouet. J’ai senti un bras nu frotter contre ma main. En respirant son odeur, j’ai eu un mouvement de recul. Enfin elle a trouvé mon bras, ma main, et m’a arraché mon verre. J’ai entendu ses dents tinter contre le bord.

« Qui êtes-vous ? » a-t-elle fait d’une voix pâteuse. Elle a posé le verre sur un meuble, mais en le renversant. Il a dû rouler jusqu’au mur, car j’ai entendu un léger son cristallin.

« Nous ne nous connaissons pas, ai-je répondu. Je me suis trompé de porte.

— Comment vous vous appelez ?

— Cela n’a pas d’importance.

— Comment vous vous appelez, bon sang ?

— Peter Traynor.

— Vous voulez faire l’amour, Peter Traynor ?

— Vous êtes ivre.

— Vous aussi. » Elle m’a pris la main, toujours dans le noir, et l’a serrée très fort ; ses ongles se sont enfoncés dans ma chair. Puis elle l’a plaquée sur son bas-ventre. J’ai senti sa peau nue, le chatouillement de sa toison. « Je ne suis pas habillée », a-t-elle dit.

J’ai retiré vivement ma main et essayé de trouver la poignée de la porte ; mes yeux s’étaient accoutumés à l’obscurité, et je distinguais une faible aura autour de la porte. La femme s’est jetée sur moi, me repoussant contre le mur.

« Embrasse-moi ! Allez ! »

J’ai essayé de me dégager, mais elle a levé son visage vers le mien et m’a embrassé à pleine bouche en introduisant sa langue entre mes lèvres. Elle avait un goût exécrable dans la bouche, et j’ai vivement détourné la tête. Sa peau était brûlante et moite. Jamais aucune femme ne m’avait autant dégoûté.

« Fichez-moi la paix ! » me suis-je écrié. J’avais toujours ce mauvais goût dans la bouche, sans savoir très bien de quoi il s’agissait, et j’avais envie de me rincer séance tenante.

Elle m’a lâché et s’est éloignée de moi. Puis elle a prononcé quelques mots d’une voix si basse que je n’ai pas compris ce qu’elle disait, mais j’ai senti que le ton était différent. Toute son agressivité de femme saoule avait disparu. Elle semblait désormais calmée.

« Qu’est-ce que vous dites ?

— J’ai dit : aidez-moi.

— Je m’en vais. Débrouillez-vous toute seule.

— Hugh est mort. Aidez-moi… Je vous en prie ! »

J’ai tâtonné le long du mur jusqu’à trouver l’interrupteur. La pièce a brusquement été inondée de lumière, et je me suis retourné pour regarder la femme. Elle reculait en secouant la tête, l’air complètement perdue, éblouie, les bras tendus derrière elle.

C’était la séduisante jeune femme que j’avais vue en bas, mais elle avait tellement changé que c’en était choquant.

Elle n’était pas entièrement nue : elle avait toujours sa robe, mais celle-ci avait été découpée ou déchirée sur le devant ; on avait ensuite essayé de la lui enlever, et elle pendait à présent sur une de ses épaules. Elle ne portait pas de sous-vêtements. Sa chevelure sombre était humide, collée et tout emmêlée. Une ceinture de cuir était passée autour de son cou. Elle avait les yeux écarquillés et jetait des regards affolés tout autour d’elle. Ses lèvres étaient étirées par un horrible rictus inversé qui dévoilait ses dents. Son visage, ses cheveux et son ventre étaient maculés de traces de sang mêlées de traînées jaunâtres. Je voyais sa poitrine se soulever.

Elle a reculé jusqu’au lit, et quand ses mollets l’ont heurté, elle a pivoté sur elle-même et s’est jetée à plat ventre sur les draps.

« Qu’est-ce qui vous arrive ? ai-je demandé. Mais qu’est-ce qui se passe, ici ? »

Elle s’est mise à gémir et à trembler en agrippant les draps et, dans son angoisse, à ramper vers l’autre côté.

Là, par terre, un homme était étendu sur le dos dans une posture rigide. Il était nu, et couvert lui aussi de sang et de viscosités. J’ai traversé la pièce d’un pas mal assuré et je l’ai contemplé d’un œil horrifié. Pas de doute, il était bien mort. La tête tournée sur le côté, la mâchoire béante. À côté de lui, sur le tapis, une flaque presque solide de vomissures épaisses et écœurantes, rougies par le sang. Il avait les yeux ouverts et le regard affreusement fixe. Son pénis était en érection et un filet de sperme lui coulait sur le ventre avant de s’égoutter sur le tapis.

Je passai mes mains sur mes lèvres. Elles étaient encore toutes gluantes du baiser de cette femme. J’avais envie de vomir.

« Qu’est-ce qui s’est passé ? ai-je crié, en proie à la panique. Il est mort ? Comment est-ce arrivé ? Qu’avez-vous fait ? »

Sans prêter aucune attention à mes questions ineptes, elle a lâché un épouvantable gémissement entrecoupé de violentes et bruyantes inspirations. Son visage appuyé contre les draps était tourné vers moi, mais ses yeux ne me voyaient pas. Elle se tordait au milieu des draps et des couvertures en désordre. Puis elle a roulé sur le dos et s’est mise à hurler. Le bruit a fini par m’arracher à l’hébétude qui s’était emparée de moi.

Je me suis penché sur elle et je l’ai giflée de toutes mes forces.

Elle a poussé un cri aigu et s’est recroquevillée en position fœtale, mais sa respiration est redevenue régulière. Elle a éclaté en pleurs en poussant une longue plainte émaillée de sanglots.

Deux jeunes hommes ont fait irruption dans la chambre. Ils contemplaient le spectacle d’un air stupéfait.

« Appelez une ambulance ! ai-je crié. Il y a eu un accident. »

Il y a eu un moment d’hésitation, puis l’un d’entre eux est ressorti en toute hâte. L’autre restait devant la porte en fixant sur moi un regard implorant.

« Sortez ! ai-je hurlé. Allez chercher de l’aide ! »

Le jeune homme a obéi. Je me suis retourné vers la fille couchée sur le lit. Je lui ai touché l’épaule, et bien qu’elle ait commencé par se recroqueviller davantage, son gémissement s’est éteint.

« Du calme, lui ai-je dit. Calmez-vous. »

Alors elle a abandonné toute résistance et s’est affaissée. Je l’ai retournée sur le dos, puis je l’ai aidée à s’asseoir. Elle a basculé vers l’avant, tête pendante.

« Hugh est mort, c’est ça ? a-t-elle dit d’une voix morne.

— Oui. Comment est-ce arrivé ?

— On était en train de… enfin vous savez quoi. Il était en moi, tout allait bien. Puis j’ai cru voir son visage éclater et…

— À cause de quoi ?

— Je ne sais pas, je ne sais pas. » Elle posa sur moi un regard vague. « Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faites là ? »

Le lit était tout taché de sang et de vomissures, et elle se tenait assise au milieu du gâchis, le corps enduit des souillures que l’homme avait laissées derrière lui en mourant. Je ne pouvais plus surmonter ma répulsion ; je me sentais au bord de l’évanouissement et j’ai dû me détourner. Comme je titubais en direction de la porte, Gavin Rawnshaw a fait son apparition. Derrière lui se trouvait un autre homme, plus grand et beaucoup plus âgé.

Rawnshaw m’a attrapé par le bras et tiré dans le couloir.

« La police arrive, Mr. Sinclair. Nous devons vous faire sortir d’ici.

— D’accord, ai-je répondu.

— Vous n’étiez pas là, vous n’avez rien vu.

— Entendu. O.K. Je m’en vais. »

J’ai quitté la maison et suis allé m’asseoir dans ma voiture. J’étais encore trop ivre pour conduire, aussi ai-je fermé les yeux en respirant profondément, histoire de me détendre un peu. Je sentais qu’on allait et venait autour de moi, mais je suis resté silencieux, dans l’ombre. J’ai dû m’assoupir car, quand je suis revenu à moi, plusieurs heures s’étaient écoulées. J’étais transi, et comme je m’étais endormi dans une mauvaise position, j’avais le torticolis. L’allée, remplie de voitures à mon arrivée, était maintenant déserte. Toutes les lumières de la maison étaient éteintes. Je suis rentré chez moi.

Je n’arrivais pas à me sortir de l’idée ce que j’avais vu dans cette chambre. Par-dessus tout, je n’arrivais pas à oublier le spectacle de cette jeune femme. À mes yeux, il ne s’était écoulé que quelques minutes depuis que ce type m’avait cherché noise, en bas, et en ce bref laps de temps, cette jolie jeune fille gaie et sociable était devenue l’image même de la dépravation et du désespoir.

Ces deux images de la même femme évoquaient une réaction au plus profond de moi.

Trois semaines plus tard, alors que j’étais dans mon bureau, le téléphone a sonné.

« Oui ?

— Peter Traynor ? a répondu une voix de femme.

— Lui-même. Que puis-je faire pour vous ? »

Il y a eu un court silence, qui aurait dû m’alerter.

Alors elle a dit tranquillement, calmement : « Alice Hazledine à l’appareil. C’est moi que vous avez vue dans la chambre, à cette soirée. »

J’avais la tête encore toute pleine du rapport que j’étais en train de lire. Quelqu’un m’attendait à la réception. J’avais une réunion une heure plus tard. Je devais dîner ce soir-là avec un sous-secrétaire d’État auprès du ministère de l’intérieur. Muet, je fixais le mur en face de moi.

« Vous êtes toujours là ?

— Qu’est-ce que vous me voulez ? ai-je demandé.

— Est-ce qu’on peut se voir ? »

Je suis resté sans rien dire, le récepteur en main, les yeux rivés aux papiers posés sur mon bureau. Puis j’ai raccroché.

Ce soir-là, elle m’a appelé chez moi. Je venais de rentrer de mon dîner avec le fonctionnaire du gouvernement, je me sentais las et légèrement ivre. Toute la soirée je n’avais cessé de penser à elle. La première chose que j’ai entendue en décrochant le téléphone a été : « Je vous en prie, ne me raccrochez plus au nez. »

J’ai tout de suite su de qui il s’agissait, mais j’ai quand même demandé : « Qui est à l’appareil ?

— Alice Hazledine. »

J’ai répondu froidement, en réprimant une bouffée d’excitation sexuelle. « Comment avez-vous eu mon numéro ? Je ne suis pas dans l’annuaire.

— C’est Gavin Rawnshaw qui me l’a donné. Il pensait que vous n’y verriez pas d’inconvénient. » Comme je ne répondais rien, elle a continué : « Je voudrais vous expliquer ce qui s’est passé cette nuit-là.

— Il me semblait que c’était déjà fait.

— Non. Il y avait autre chose. Ce n’est pas ce que vous croyez.

— Tout le monde avait un peu trop bu, ai-je répliqué. Y compris vous… et moi.

— Ce n’est pas ça. Il faut que je vous revoie. Quand ? Ce ne sera l’affaire que de quelques minutes. Juste le temps de vous expliquer.

— Je ne crois pas que ce soit possible.

— Je vous rappellerai demain au bureau. »

Elle allait raccrocher, aussi je me suis empressé d’ajouter : « Ne passez pas par le standard. J’ai une ligne directe. »

Je lui en ai donné le numéro, connu seulement de Guy Lawley, de mes interlocuteurs à l’intérieur et du bureau de la Commission à Bruxelles.

Ce qui m’impressionnait le plus, c’était sa voix : une voix grave, agréable, pétrie de calme et d’assurance ; pas du tout hystérique. L’ensemble était impossible à concilier avec ce que j’avais vu ce soir-là.

Elle m’a rappelé le lendemain, peu après déjeuner. Toute la matinée mes pensées avaient tourné autour d’elle de manière obsessionnelle ; je songeais que si elle décidait de ne pas reprendre contact avec moi, je n’avais aucun moyen de la retrouver, excepté par l’intermédiaire de Rawnshaw. Elle a proposé une rencontre le soir même dans le centre de Manchester. Nous avons choisi un lieu public animé où nous serions pratiquement assurés de passer inaperçus.

Lorsque je suis arrivé, elle était au rendez-vous. Je suis passé à côté d’elle sans la reconnaître ; elle a dû me rattraper et se signaler à mon attention en me touchant le coude.

En me retournant, j’ai eu une nouvelle surprise. L’image mentale que je gardais d’elle était faite de contrastes ; elle exprimait la dualité de la femme que j’avais surprise. Il y avait d’un côté le désarroi aviné que je lui avais vu témoigner dans cette chambre fétide, mais aussi, en arrière-plan, le spectacle qu’elle m’avait offert un peu plus tôt : sa façade « soirée », la robe légère, les sourires, les attitudes aguichantes et les dévoilements involontaires de son intimité. Dès son premier coup de téléphone, j’avais délibérément chassé de mon esprit cette double image envahissante, l’une dépravée et l’autre innocente. À présent, contre toute attente, je la voyais sous un troisième angle.

Elle portait un tailleur bleu marine ajusté, un sage chemisier crème et une écharpe en soie nouée autour du cou. Ses cheveux étaient tirés en arrière et emprisonnés dans un chignon serré, mais un petit ruban de couleur ajoutait à l’ensemble une note féminine. Elle portait une mallette en cuir. J’avais parmi mon personnel plusieurs jeunes femmes aux dents longues qui s’habillaient tout à fait de la même façon. Je ne manquais jamais de voir dans cette neutralité sexuelle étudiée quelque chose de rébarbatif et d’irrésistible à la fois.

Si je m’étais attendu qu’Alice Hazledine leur ressemble !

Il faisait chaud et sec, ce soir-là, et nous avons flâné dans les rues en nous mêlant aux foules de gens qui rentraient chez eux après le travail.

Elle a refusé de dire pourquoi elle avait tenu à me voir, et ne m’a pas non plus donné l’explication promise. Nous avons parlé de tout et de rien. Je lui ai posé des questions sur son travail, elle a fait de même. (Elle a déclaré être écrivain ; j’ai menti sur mes occupations.) Elle connaissait Gavin Rawnshaw par l’entremise de son mari.

J’ai jeté un coup d’œil à sa main baguée.

« Mon mari est un salaud, m’a-t-elle dit. C’est pour ça que j’étais à cette soirée. Vous êtes marié, vous aussi ?

— Non.

— Je ne couche pas à droite à gauche, a-t-elle ajouté. Vous avez une fausse opinion de moi.

— Vous vouliez que je vous fasse l’amour, ce soir-là.

— Ah bon ? Je ne m’en souviens pas. »

Comme elle habitait une ville-dortoir située à une dizaine de kilomètres au sud de la ville, nous avons été contraints d’abréger notre entretien. Je l’ai accompagnée jusqu’à Piccadilly Station et, comme elle allait monter dans le train, je lui ai dit : « Vous ne pouvez vraiment pas rester plus longtemps ? »

Elle a secoué négativement la tête. « Mon mari est absent, en ce moment, mais il faut que je rentre au cas où il téléphonerait.

— Pourquoi vouliez-vous me voir ce soir ?

— Parce que vous m’avez vue l’autre nuit. Je ne me rappelle pas grand-chose maintenant, juste quelques bribes. L’homme qui était entré juste après la mort de Hugh, c’était vous ; voilà tout ce que je savais. Et aussi que Gavin Rawnshaw travaillait pour vous. Vous ne l’avez pas fait exprès, mais vous m’avez aidée à reprendre mes esprits, plus tard. Vous m’avez giflée, c’est à peu près la seule chose dont je me souvienne. J’ai vu l’expression de votre regard, et par la suite je n’ai pas cessé de la revoir.

« Il a fallu que j’aille témoigner, et je m’attendais à vous y voir aussi. Ma foi, vous n’êtes pas venu au tribunal, mais finalement, ça n’avait pas d’importance ; le simple fait que vous puissiez y être me suffisait amplement.

— Je m’excuse de vous avoir giflée, ai-je dit. J’essayais de vous calmer.

— J’en avais bien besoin. Mais sur le moment, je me suis rendu compte que vous aviez tout aussi peur que moi. Seulement moi, c’était à cause de ce qui venait de se passer ; tandis que vous, vous aviez peur de moi. J’ai raison, n’est-ce pas ?

— Non. Je ne savais pas quoi faire d’autre, c’est tout.

— Si, vous aviez peur de moi, a-t-elle insisté. Toutes les femmes vous font peur. Je l’ai bien vu quand vous m’avez giflée. Personne ne m’a jamais frappée aussi fort. Ça vous botte, hein, de taper sur une femme dans mon genre ? Il y a une immense peur en vous, Mr. Traynor. » Le train était sur le point de partir. « Il faut que j’y aille. Je vous rappellerai.

— Et si je partais avec vous, là, tout de suite ?

— Vous voulez dire, chez moi ?

— Puisque votre mari n’est pas là. »

Au bout du quai, le préposé lança un coup de sifflet et avertit les voyageurs de la fermeture automatique des portières.

« Je ne crois pas que vous soyez encore prêt pour ça », m’a-t-elle répondu.

Le train s’est ébranlé quelques secondes plus tard. Elle avait pris un siège près de la fenêtre, un magazine posé sur les genoux. Elle s’est mise à le feuilleter et n’a pas relevé une seule fois les yeux.

Là encore, pendant les jours qui suivirent je n’ai pu détacher mes pensées d’Alice Hazledine. Elle correspondait désormais à trois stéréotypes sexuels féminins, et m’en faisait miroiter un quatrième. Tous contradictoires. Je n’arrivais toujours pas à concilier la jolie fille en robe transparente et la débauchée de la chambre, et ni l’une ni l’autre ne collaient avec l’image de femme d’affaires intimidante et soignée qu’elle projetait à présent. Elle m’avait démontré qu’elle savait tout de mes peurs sexuelles, et je frémissais d’impatience et d’excitation.

Elle m’a appelé une semaine plus tard. Cette fois, elle a dû m’estimer prêt, selon ses critères personnels, car elle ne s’est pas fait prier pour me fixer rendez-vous. Le samedi soir suivant, elle viendrait seule chez moi. Nous avons préparé l’événement comme deux hommes d’affaires convenant d’une date et d’une heure pour se rencontrer, en nous mettant tranquillement d’accord sur ce dont chacun aurait besoin et la façon dont se déroulerait la soirée. Sa voix posée était pleine de promesses, mais aussi de menaces informulées.

À mon grand dam, j’ai été convoqué à Bruxelles pour une réunion urgente et, dans la bousculade, je n’ai pas eu le temps de la prévenir. J’ai pris l’avion le vendredi matin et ne suis rentré que la semaine suivante. J’ai trouvé un mot de sa main dans la pile de courrier qui m’attendait devant la porte.

Cela disait : Je suis venue, mais vous n’étiez pas chez vous. Je me suis trompée sur votre compte. Restons-en là. Le risque est trop grand. Alice Hazledine.

Elle avait une écriture nette et ferme composée de grandes lettres bien formées. Elle avait écrit son nom de la même manière, sans lui donner l’apparence d’une signature.

Je n’ai plus entendu parler d’elle de tout un mois et, les deux ou trois premières semaines, je n’ai pu penser qu’à elle. Je m’en voulais d’avoir ainsi dérangé nos plans, mais je ne savais trop que penser de son billet sibyllin, ni de son silence. Vaine tentative pour s’entourer de mystère, me disais-je.

Elle m’a appelé chez moi un soir alors que j’avais pratiquement abandonné tout espoir d’avoir de ses nouvelles. Elle semblait hors d’haleine et ne s’est même pas présentée. Comme je ne m’attendais pas qu’elle m’appelle et qu’elle parlait d’une voix altérée, je n’ai pas su tout de suite qui j’avais au bout du fil.

Elle commença par dire : « Je pourrais passer vous voir maintenant.

— Qui est à l’appareil ?

— Alice. Je peux être là dans vingt minutes.

— Qu’est-ce que vous voulez ? ai-je demandé.

— La même chose qu’avant. Et vous ?

— Vous disiez que je n’étais pas prêt. Et le mot que vous m’avez laissé en mon absence ? Que vouliez-vous dire par “le risque » ?

— Je ne m’en souviens pas. Je devais être en colère parce que vous n’étiez pas là. Il faut que je vous voie. »

Une demi-heure plus tard, elle était là. J’ai entendu un taxi redémarrer quelques instants avant qu’on ne sonne à ma porte. J’ai hésité avant d’ouvrir, mais je me suis finalement décidé, et elle est entrée vivement, en jetant un coup d’œil derrière elle comme pour s’assurer que personne ne la voyait. Elle portait sa tenue de femme d’affaires.

Je lui ai offert à boire, et tandis que je rinçais les verres dans la cuisine, je l’ai entendue aller et venir dans l’autre pièce. Je l’ai trouvée assise sur le canapé, les jambes repliées sous elle. Elle s’était débarrassée de ses chaussures, et sa mallette était posée par terre à côté d’elle. Je lui ai versé un whisky-soda pendant qu’elle me complimentait sur ma maison. J’ai répondu aux questions d’usage : oui, je vivais seul ; non, je ne me sentais pas seul et oui, j’avais souvent de la visite. Elle a bu son whisky d’un trait. Je lui en ai offert un autre, qu’elle a accepté, mais elle l’a posé sans y toucher. Elle restait assise là, les yeux baissés sur ses genoux. J’ai attendu qu’elle rompe le silence.

Au bout d’un moment, j’ai dit : « Pourquoi êtes-vous venue, Alice ? »

Elle changea de position afin de tirer sur l’ourlet de sa jupe et d’en recouvrir ses genoux. « Je veux parler de Hugh et de la façon dont il est mort.

— On a conclu à une mort naturelle, non ?

— Oui, mais on a eu tort. C’est moi qui l’ai tué. J’ai fait un faux témoignage. J’ai dit qu’il s’était plaint de douleurs dans la poitrine. Mais ce n’était pas vrai, parce que c’est moi qui l’ai tué. »

Elle tripotait l’extrémité de son écharpe en soie en la faisant rouler entre ses doigts. Ses yeux étaient rivés aux miens.

« Comment cela ? » lui ai-je demandé.

Elle s’empara de son verre mais le garda à la main. « Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que je l’ai tué.

— Alors vous vous faites des idées.

— Et pour les autres, je me suis aussi fait des idées ?

— Quels autres ?

— Les quatre autres personnes que j’ai tuées. » Elle se pencha vers moi, l’air sérieux. « Répondez-moi franchement. Pourquoi croyez-vous que je sois ici ce soir ?

— Vous l’avez dit : pour parler de Hugh.

— Mais le véritable motif de ma visite, à votre avis, quel est-il ? Ou si vous préférez, qu’espérez-vous de cette visite ?

— Je m’étais dit que nous allions coucher ensemble, ai-je dit.

— Alors, vous seriez la sixième victime. Écoutez-moi. Je me suis mariée vierge. J’ai eu mon premier amant trois ans plus tard. Depuis, j’ai couché avec quatre autres personnes. Pas plus d’une fois avec chacune, parce qu’elles sont toutes mortes. Toutes. Trois pendant que nous étions encore au lit, une autre une heure plus tard, la quatrième dans la semaine. L’homme avec qui vous m’avez vue était ma cinquième victime.

— Vous êtes sérieuse ?

— Oui.

— Vous ne me mentez pas ?

— Non. Je suis en train de vous dire ce qui arrive aux gens qui font l’amour avec moi. » Elle défit son écharpe, l’ôta et la déposa sur le canapé, à côté d’elle. « Je vous ai dit que je ne vous croyais pas prêt. Vous comprenez maintenant ce que je voulais dire ? »

J’ai détourné la tête pour fuir son regard fixe et déconcertant, et j’ai tendu la main vers la bouteille. J’avais envie de sourire.

« Alors, Peter, qu’est-ce que vous en dites ? Vous voulez tenter votre chance ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? »

Lorsque j’ai reporté mon regard sur elle, j’ai vu qu’elle était en train de défaire les barrettes qui maintenaient sa chevelure en place. Puis elle a secoué la tête, libérant ses cheveux.

« Ces cinq hommes, qui étaient-ils ?

— Sur le nombre, il y a eu une femme. C’est elle qui a tenu une semaine. Quant aux autres, ce n’étaient pas des gens que vous auriez pu connaître. Sauf peut-être Hugh. Le connaissiez-vous ?

— Non.

— C’étaient tous des gens qui me regardaient comme vous m’avez regardée en me frappant. Des gens qui avaient peur de moi. La peur m’excite, que ce soit la mienne ou celle des autres. La première victime n’était encore qu’un adolescent. Je le connaissais à peine. Nous nous sommes rencontrés quelque part, il m’a dit qu’il voulait faire sa première expérience sexuelle avec une femme plus âgée. À l’époque, j’avais vingt-cinq ans. Il m’amusait. Je pouvais l’intimider si je voulais, et j’aimais ça. Quand nous sommes passés à l’acte, il est mort de frayeur avant même de m’avoir pénétrée. Pour la deuxième victime, ça s’est passé deux ans plus tard : cette fois, c’était un homme de mon âge. Nous avons fait l’amour une seule fois. Je suis rentrée chez moi et, le lendemain même, j’ai appris qu’il avait trouvé la mort dans la nuit. Les trois autres, c’était plus tard.

— Et votre mari ? »

Elle a secoué négativement la tête.

« Vous vous moquez de moi ?

— Je vous l’ai dit, je suis sérieuse. » Elle a reposé les pieds par terre, puis s’est levée. Elle a défait la fermeture à glissière de sa jupe, sur le côté, et l’a laissée tomber au sol. Dessous, elle portait un jupon blanc. Elle a enlevé sa veste avant de la plier soigneusement et de la déposer sur le dossier du divan. Puis elle s’est rassise et a repris la même position. « Alors ? Voulez-vous faire l’amour avec moi ?

— Non.

— Bien sûr que si.

— Non, j’en suis certain.

— Alors pourquoi ne me demandez-vous pas de cesser ? » Elle défaisait un par un les boutons de son chemisier.

« Cessez immédiatement et sortez de chez moi. »

Une fois le dernier bouton défait, elle a noué ses mains derrière sa tête. Le chemisier s’est ouvert, révélant son soutien-gorge.

« Debout, Peter, a-t-elle ordonné.

— Pourquoi ?

— Obéissez. » Je me suis levé. Juste à ce moment-là, elle a jeté un regard à mon entrejambe et elle m’a souri. « Vous en avez envie, n’est-ce pas ? Vous en avez envie depuis le début, depuis cette fameuse soirée, et vous en avez envie parce que je vous terrorise. Eh bien, allez-y. »

J’ai regardé fixement sa jupe qui traînait par terre. Elle avait raison ; elle me connaissait intimement. Son visage s’était coloré, ses lèvres luisaient d’un éclat nouveau. Encore une fois elle a bougé les jambes ; puis elle les a croisées en gardant un genou levé très haut, pour que je puisse voir l’intérieur de sa cuisse.

« Comment aimez-vous baiser ? m’a-t-elle dit. Quelles sont vos conventions ?

— Je n’en ai pas. » Je me suis rendu compte que je parlais d’une voix rauque, et je me suis éclairci la gorge.

« Il suffit que ce soit avec une inconnue, c’est ça ? Pas de conventions, pas de limites, du moment que vous croyez ne pas connaître votre partenaire.

— Du moment qu’elle ne me connaît pas, ai-je répondu.

— Est-ce que vous êtes prêt à mourir pour ça, Peter ? »

Elle s’est levée d’un seul coup, en me prenant par surprise. Elle s’est débarrassée de son chemisier et a fait glisser son jupon sur ses jambes. Elle portait des dessous blancs en tissu opaque, conçus pour être confortables et non pour séduire. Elle avait enfilé un collant par-dessus sa culotte.

Elle a fait un pas vers moi en superposant ses poignets, qu’elle tenait tendus devant elle.

« Je n’ai pas besoin de vous indiquer la marche à suivre. Alors allez-y ! »

J’ai enlevé ma cravate et je l’ai nouée autour de ses poignets ; j’ai essayé de les emprisonner, mais elle s’est libérée sans le moindre mal. Elle a viré sur elle-même de manière à me présenter son dos, puis de nouveau tendu ses poignets vers moi.

« Servez-vous de votre ceinture. Je ne dois pas voir comment vous vous y prenez. Et nouez-la serré ! »

J’ai fait ce qu’elle me disait et enroulé la ceinture autour de ses poignets en la croisant deux fois avant de la boucler. Elle s’est tortillée quelques instants, et a de nouveau réussi à libérer une de ses mains.

Elle s’est agenouillée, tellement penchée en avant que ses bras s’élevaient très haut derrière elle. J’ai rattaché la ceinture, cette fois-ci en lui faisant décrire un huit autour de ses poignets, et je l’ai bouclée de manière que le fermoir morde sa chair.

Je l’ai remise sur pied, je lui ai arraché son collant puis, toujours par-derrière, je lui ai fait un croc-en-jambe et je l’ai poussée par terre. Elle est tombée lourdement et a laissé échapper un hurlement.

« Arrêtez ça tout de suite ! Mon épaule, vous m’avez fait mal à l’épaule !

— Fermez-la ! »

Avant qu’elle puisse se relever, j’ai abattu mon pied sur sa chevelure défaite, l’obligeant ainsi à tourner la tête. Elle s’est étranglée à demi et un rictus de douleur a déformé ses lèvres, mais elle n’a rien dit. Je lui ai attaché les chevilles avec ma cravate.

« Vous haïssez les femmes, hein ? m’a-t-elle demandé.

— Parfois.

— Je croyais que vous en aviez peur mais en fait, vous les haïssez. Vous me haïssez, moi.

— Pas encore. »

Je l’ai laissée ainsi ligotée sur le plancher, et je suis monté en courant au premier étage chercher deux autres ceintures en cuir dans mon placard. À mon retour, j’ai vu qu’Alice avait réussi à se retourner sur le dos et s’efforçait de ramper tant bien que mal vers ses vêlements. Je l’ai fait rouler sur le flanc et je l’ai traînée jusqu’au pied de l’escalier métallique. Je l’ai hissée sur ses pieds, puis attachée à la rampe avec une des ceintures.

J’ai tenté de la bâillonner avec l’autre, mais elle a rejeté la tête de côté.

« Laisse-moi ma bouche, espèce de salaud ! » Alors j’ai passé la ceinture autour de son cou, en serrant à la limite de la strangulation : je la revoyais telle qu’elle était dans la chambre où Hugh avait trouvé la mort. Je l’ai giflée, deux fois, trois fois, en plein visage. Sa tête s’est inclinée vers l’avant, le visage dissimulé par sa longue chevelure noire. Elle émettait un bruit de gorge ; je suis allé chercher dans la cuisine un couteau à découper très affûté. Je me suis assuré qu’elle le voyait en soulevant ses cheveux du bout de la lame, puis je l’ai posé sur le tapis, la pointe tournée vers elle. Je me suis entièrement déshabillé et, sous ses yeux, j’ai soigneusement plié mes vêtements.

Ensuite, j’ai ramassé le couteau, j’en ai doucement fait glisser la lame sur son ventre, puis je l’ai passé sous la bretelle de son soutien-gorge avant de la trancher d’un coup sec. Elle a détourné la tête. Une fois ses seins dénudés, j’ai entrepris de découper son slip.

Je suis allé chercher le reste de ses vêtements et je les ai apportés devant elle. « Je déteste ces habits, ai-je dit. Pourquoi t’habilles-tu comme ça ? »

Elle ne m’a pas répondu mais s’est contentée de me regarder d’un œil horrifié lacérer consciencieusement ses vêtements. J’ai fait en sorte qu’elle ne puisse plus jamais les porter.

La transpiration perlait sur son front et ruisselait sous ses bras.

« Vous me le paierez. Vous allez mourir.

— Mais non. Je n’ai pas cru un mot de ce que vous m’avez dit.

— Vous avez bien vu ce qui est arrivé à Hugh. Il a fait la même chose que vous. Il a essayé de m’humilier. Il était plus jeune que vous, et en meilleure santé. Il en est mort quand même. Vous l’avez vu de vos yeux.

— Je sais très bien ce que j’ai vu. Pour le reste, je n’y crois pas. »

Je suis passé derrière elle, dans l’escalier, et j’ai fait glisser ses liens le long des barreaux de la rampe, vers les marches, la forçant ainsi à s’accroupir. Ses jambes se sont écartées. Alors je suis revenu devant elle et j’ai introduit ma verge entre ses cuisses en en faisant glisser le bout dans sa fente. Elle mouillait. Son visage était levé contre le mien.

À voix basse, elle m’a dit : « Allez, vas-y, enfonce-la. Enfonce-la jusqu’au fond. Tu vas voir ce qui va t’arriver, quand tu vas me prendre.

— Pas tout de suite. »

Je l’ai détachée de la rampe et tirée en direction du divan par la ceinture passée autour de son cou. Elle s’étranglait, elle avait du mal à inspirer. Son visage était cramoisi. J’ai disposé son corps de sorte qu’elle soit étendue sur le dos, la tête renversée en arrière et ballottant dans le vide. Accroupi à ses côtés j’ai approché ma verge de sa bouche et j’en ai taquiné ses lèvres. Elle a donné des coups de langue en cherchant à m’atteindre, et essayé de toutes ses forces de redresser la tête pour me prendre dans sa bouche. Je me suis éloigné d’elle.

« Viens dans ma bouche ! »

Mais au lieu de cela, je l’ai frappée à nouveau. Violemment, du dos de la main, sur le visage, les cuisses, les seins, les fesses ; sa peau rougissait, elle criait de douleur.

Je me suis écarté pour la contempler, jouir du spectacle de cette femme à ma merci.

« Je sais tout de vous, Peter Traynor. Qui vous êtes, ce que vous faites, et aussi pourquoi vous le faites.

— Taisez-vous, sinon je vous bâillonne.

— Ils m’ont envoyée pour vous tuer. Baisez-moi et vous mourrez. »

Conformément à mon avertissement, je l’ai bâillonnée avec la ceinture. J’ai serré au maximum ; sa bouche s’est ouverte, la lanière s’est enfoncée dans la chair de ses joues. Elle ouvrait de grands yeux terrifiés.

Je lui ai tout d’abord détaché les chevilles, puis j’ai desserré la ceinture qui lui emprisonnait la gorge, et enfin j’ai libéré ses bras. Elle a roulé sur le dos, écarté les jambes et levé les bras au-dessus de sa tête.

« Vous voulez que j’arrête ? » ai-je demandé.

Elle a poussé un grognement et secoué négativement la tête. Je me suis donc hissé sur elle, et je l’ai enfin pénétrée. Lorsque j’ai eu terminé, je lui ai enlevé son bâillon et nous avons recommencé. Elle est restée toute la nuit avec moi et, le lendemain matin, je l’ai raccompagnée chez elle en voiture.

J’ai revu quatre fois Alice Hazledine avant que nous nous lassions l’un de l’autre. Comme lors de cette première fois, elle apportait toujours de quoi se changer dans sa mallette.

Quant à moi, je suis toujours en vie.

Une femme sans histoires
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